Comment contester les « amendes pénales » Covid ?

Si vous voulez comprendre la procédure, les risques et les avantages en cas de contestation d’une proposition de transaction, lisez le document « Que faire si je reçois une « amende pénale » COVID ?

Si vous avez décidé de refuser la proposition de transaction pénale et de contester les faits, vous pouvez faire valoir deux types d’arguments.

1.Les arguments de fait

Il s’agit de tous les éléments qui contredisent ce qui est rapporté dans le PV (procès-verbal) de la police. Les arguments de fait dépendent de chaque situation, et du degré de précision du PV. 

Le PV de la police ne vaut que comme simple renseignement pour les infractions COVID et doit en principe être confirmé par d’autres éléments pour devenir une preuve. En pratique cependant, les magistrats « suivent » ce que dit le PV, sauf si vous pouvez prouver de manière convaincante votre version des faits.

Si vous disposez d’éléments sérieux qui contredisent le PV, ceux-ci devront être pris en compte par le ministère public et ensuite par le juge.

Vous pouvez prouver votre version des faits par votre récit complet et précis, par des témoignages d’autres personnes, par des images (photos, vidéos), par des écrits (preuve d’achat, attestations, certificat médical, …), etc.

2.Les arguments de droit

Les arguments de droit consistent à mettre en évidence l’illégalité des mesures sur la base desquelles on vous a verbalisé·e, ou la mauvaise application de la procédure. Ils ne sont pas souvent accueillis par les tribunaux, à quelques exceptions près. 

Si vous avez décidé de contester la proposition de transaction pénale, vous pouvez reprendre les arguments ci-dessous qui correspondent à votre cas et à ce qui figure dans le PV, et ensuite insérer des arguments de fait tels que décrits ci-dessus.

Si vous êtes convoqués devant un Tribunal, les arguments restent valables mais il est conseillé de consulter un avocat. 

En fluo : les parties à modifier ou compléter en fonction de votre cas et de ce que dit le PV.

Voici les principaux arguments de droit à faire valoir :

 Arguments 1 et 2 : l’illégalité des mesures

Argument 3 : on ne peut pas soumettre tout rassemblement à une autorisation préalable Argument 4 : visite domiciliaire illégale (en cas de « fête illégale »)

Argument 5 : illégalité de l’interdiction de voyager

Argument 6 : le PV a été envoyé tardivement par le Procureur du Roi

  1. Absence de base légale valable

Les différents arrêtés reposent sur trois bases légales : l’article 4 de la loi du 31 décembre 1963 sur la protection civile, les articles 11 et 42 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police et les articles 181, 182 et 187 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile.

La loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile ne couvre pas le risque épidémiologique. En effet, de manière générale, la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile a pour vocation de répondre “aux risques” d’une société moderne, sans que ne soit évoqué le risque sanitaire.

Le résumé de la loi indique : 

« La législation portant organisation des services de secours se devait de s’adapter aux nouveaux défis et risques rencontrés dans une société moderne.

Fort de ce constat et des expériences malheureuses du passé, et plus particulièrement de la catastrophe de Ghislenghien, un projet de réforme et de refonte de la sécurité civile a été établi. Il a vocation à consolider l’ancrage fédéral de la matière et à permettre une amélioration significative des secours aux citoyens ».

Ni le résumé, ni l’exposé des motifs ne font référence à une situation de risque sanitaire due à une épidémie.  Il est uniquement explicitement fait référence aux risques liés aux incendies, explosions, catastrophes ou incidents.

Les missions générales des services opérationnels de la sécurité civile énumérées à l’article 11 de la loi du 15 mai 2007 n’incluent pas non plus la lutte contre des épidémies :

« § 1er. Les missions générales des services opérationnels de la sécurité civile sont :  1° le sauvetage de personnes et l'assistance aux personnes dans des circonstances dangereuses et la protection de leurs biens ;

 2° l'aide médicale urgente telle que définie à l'article 1er de la loi du 8 juillet 1964 relative à l'aide médicale urgente ;

 3° la lutte contre l'incendie et l'explosion et leurs conséquences ;

 4° la lutte contre la pollution et contre la libération de substances dangereuses en ce compris les substances radioactives et les rayons ionisants ;

 5° l'appui logistique.

  • 2. Font intégralement partie des missions énumérées au § 1er, 1°, 3°, 5° : la prévision, la prévention, la préparation, l'exécution et l'évaluation.

 Au sens du présent paragraphe, on entend par :

 1° prévision : toutes les mesures pour inventorier et analyser les risques ; 2° prévention : toutes les mesures visant à limiter l'apparition d'un risque ou à minimiser les conséquences de la concrétisation de celui-ci ;

 3° préparation : toutes les mesures pour assurer que le service est prêt à faire face à un incident réel ; 4° exécution : toutes les mesures qui sont prises quand l'incident se produit réellement ; 5° évaluation : toutes les mesures pour améliorer la prévision, la prévention, la préparation et l'exécution en tirant des conclusions de l'incident.

  • 3. Sans préjudice des compétences des autres services publics, les zones de secours veillent à l'application des réglementations concernant la prévention de l'incendie et de l'explosion. »

Les situations d’épidémie ne sont pas non plus visées dans le commentaire de cet article 11 qui donne des exemples concernant la mission de « sauvetage de personnes et l'assistance aux personnes dans des circonstances dangereuses et la protection de leurs biens ». Les travaux parlementaires prennent le temps de citer des situations spécifiques telles que la destruction de nids de guêpes sans mentionner la situation plus générale des épidémies.

 

D’autres dispositions parlent explicitement du risque épidémiologique, c’est le cas notamment de la nouvelle loi communale qui prévoit, en son article 135, §2, 5° que les communes ont pour mission de faire jouir la population d’une bonne police, notamment en prenant le soin de prévenir, ou de faire cesser des fléaux calamiteux tels que les épidémies.

Ce n’est pas le cas des articles 182 et 187 de la loi du 15 mai 2007 qui doivent faire l’objet d’une interprétation restrictive.

Le fait que la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile ne vise pas les situations d’épidémie ou de risque sanitaire est clairement confirmé par l’adoption de la loi de pouvoirs spéciaux du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19. 

L’article 2 de cette loi indique :

« Afin de permettre à la Belgique de réagir à l'épidémie ou la pandémie du coronavirus COVID-19 et d'en gérer les conséquences, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, prendre les mesures visées à l'article 5, § 1er, 1° à 8°.

[…]»

L’article 5 de la loi de pouvoirs spéciaux prévoit :

« § 1er. En vue de réaliser les objectifs visés à l'article 2, alinéa 1er, le Roi peut prendre des mesures pour :

 1° combattre la propagation ultérieure du coronavirus COVID-19 au sein de la population, y compris le maintien de la santé publique et de l'ordre public ;

[…] »

On le voit, le législateur a estimé qu’il n’existait pas de cadre législatif pour permettre de lutter contre la propagation du COVID-19.

Les travaux parlementaires ne mentionnent absolument pas la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile, ce qui montre également que le législateur n’estime pas que cette législation s’applique à la présente situation d’épidémie.

Cependant, l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 (dans sa version consolidée) indique qu’il se base sur ces articles de la loi de 2007, dont l’objet n’est pourtant pas de prévenir ou gérer des épidémies.

Si l’on devait considérer que les missions de protection civile incluent les situations d’épidémie, quod non, il conviendrait de constater que les articles 181 et 182 de loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile n’envisagent que des mesures de réquisition et d’évacuation et non d’autres mesures sanitaires spécifiques à des situations d’épidémie. 

L’article 181 de la loi du 15 mai 2007 prévoit :

« § 1er. Le ministre ou son délégué peut, lors des interventions effectuées dans le cadre des missions visées à l'article 11, en l'absence de services publics disponibles et à défaut de moyens suffisants, procéder à la réquisition des personnes et des choses qu'il juge nécessaire.

 Le même pouvoir est reconnu au bourgmestre ainsi qu'au commandant de zone et, par délégation de ce dernier, aux officiers lors d'interventions de ces services dans le cadre de leurs missions.  Le Roi fixe la procédure et les modalités de la réquisition.

  • 2. Supportent les frais liés à la réquisition des personnes et des choses et remboursent ces frais aux ayants droit :

 1° l'Etat, lorsque c'est le ministre ou son délégué qui procède à la réquisition ;

 2° la commune lorsque c'est le bourgmestre qui procède à la réquisition ;

 3° la zone lorsque c'est le commandant de zone ou les officiers qui procèdent à la réquisition.  Les frais ne sont pas dus lorsqu'ils résultent de la réparation des dommages occasionnés aux personnes et aux choses requises et résultant d'accidents survenus dans le cours ou par le fait de l'exécution des opérations en vue desquelles la réquisition a eu lieu, lorsque l'accident a été intentionnellement provoqué par la victime.

  • 3. Pendant la durée des prestations, le contrat de travail et le contrat d'apprentissage sont suspendus au profit des travailleurs qui font partie de ces services ou qui font l'objet d'une réquisition. »

L’article 182 prévoit lui que :

« Le ministre ou son délégué peut, en cas de circonstances dangereuses, en vue d'assurer la protection de la population, obliger celle-ci à s'éloigner des lieux ou régions particulièrement exposés, menacés ou sinistrés, et assigner un lieu de séjour provisoire aux personnes visées par cette mesure ; il peut, pour le même motif, interdire tout déplacement ou mouvement de la population.

Le même pouvoir est reconnu au bourgmestre. »

Les situations d’épidémie impliquent de nombreuses mesures sanitaires que des mesures de réquisitions et d’évacuation ne sont pas propres à régler : gestes barrières, contacts physiques entre les personnes, mise en quarantaine des personnes infectées, etc.

Ces dispositions légales n’autorisent donc pas le Ministre ou le Bourgmestre à prendre des mesures sanitaires en dehors de mesures de réquisition et d’évacuation, ni à ériger le non-respect de ces mesures sanitaires en infraction pénale.

 

Le Tribunal de première instance de Bruxelles, dans son jugement du 31 mars 2021, suit le même raisonnement lorsqu’il déclare que “la loi du 15 mai 2007 vise des situations bien spécifiques qui ne recouvrent pas la situation de gestion d’une pandémie, cette situation n’est pas visée par la loi ni ne ressort de ses motifs; soutenir que cette loi offrirait une base légale suffisante aux arrêtés ministériels litigieux reviendrait à conférer à une loi d’habilitation ordinaire une portée générale identique à celle que pourrait avoir une habilitation de pouvoirs spéciaux sans les garde-fous qui l’entourent”.

L’article 182, qui vise l’évacuation, ne prévoit clairement aucune modalisation des mesures. Les termes ne permettent pas la prise de mesures qui modulent ou conditionnent l’accès à certains lieux ou les possibilités de déplacement.

 

Concernant la loi du 31 décembre 1963, l’article 4 dispose que :

“Le Ministre ayant l'Intérieur dans ses attributions organise les moyens et provoque les mesures nécessaires à la protection civile pour l'ensemble du territoire national. Il coordonne la préparation et l'application de ces mesures, au sein tant des divers départements ministériels que des organismes publics. Cette coordination vise également toutes les mesures relatives à la mise en œuvre des ressources de la Nation qui doivent être prises, même en temps de paix, en vue d'assurer la protection civile en temps de guerre. Le Ministre exerce ses attributions à l'égard des problèmes de la protection civile traités dans les organisations internationales et à propos des échanges internationaux utiles dans ce domaine”.

Or, l’article 6 de cette même loi dispose que :

“ Le Ministre ayant l'Intérieur dans ses attributions, ou son délégué, peut en temps de guerre ou lorsqu'il y a menace d'événements calamiteux de catastrophes et de sinistres, en vue d'assurer la protection de la population, obliger celle-ci à s'éloigner des lieux ou régions particulièrement exposés, menacés ou sinistrés, et assigner un lieu de séjour provisoire aux personnes visées par cette mesure ; il peut, pour le même motif, interdire tout déplacement ou mouvement de la population”.

L’on constate que cette disposition ne constitue pas non plus une base légale suffisante, et ce pour les mêmes raisons.

Concernant la loi du 5 août 1992, l’article 11 dispose que :

“Sans préjudice des compétences qui leur sont attribuées par ou en vertu de la loi, le ministre de l'Intérieur et le gouverneur exercent à titre subsidiaire les attributions du bourgmestre ou des institutions communales lorsqu'ils manquent, volontairement ou non, à leurs responsabilités, lorsque les troubles à l'ordre public s'étendent au territoire de plusieurs communes, ou lorsque, bien que l'événement ou la situation soit localisée dans une seule commune, l'intérêt général exige leur intervention”.

La disposition précise bien que cette compétence s’exerce à titre subsidiaire. Elle doit donc être de circonstance et temporaire. Or, en l’espèce, les caractères subsidiaire et temporaire ne sont absolument pas présents.

Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 (dans sa version consolidée) a été pris sans la moindre habilitation légale.

 

En outre, ces restrictions violent aussi un autre principe constitutionnel : l’interdiction de suspendre la Constitution (article 187 de la Constitution).

L’article 159 de la Constitution dispose que : 

« Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois. »

L’application de l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 (dans sa version consolidée) doit donc être écartée sur base de l’article 159 de la Constitution. 

Les poursuites sont donc irrecevables car ces faits ne sont pas sanctionnés pénalement.


 

  1. Violation du principe de légalité en matière pénale

En matière pénale, le principe de légalité des incriminations au sens formel est un principe fondateur de nos démocraties :

« Au sens formel, le principe de légalité en droit pénal signifie donc que seule la loi peut créer des incriminations et établir des peines. La formule « nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege » traduit cette philosophie légaliste héritée des lumières qui voyait dans ce principe une garantie fondamentale des libertés ».

 

Les articles 12 et 14 de la Constitution garantissent à tout citoyen qu’il ne pourra voir des comportements érigés en infraction pénale sans que les aspects essentiels de la poursuite et de la peine n’aient été décidés par une assemblée délibérante démocratiquement élue.

Comme indiqué ci-dessus, le Ministre érige par l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 (dans sa version consolidée) une série de comportements en infraction sans trouver la moindre habilitation dans la loi à cet égard. 

Si l’on devait considérer qu’une habilitation puisse être implicitement trouvée, fût-ce en germe, au sein de la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile, il faudrait toutefois constater que le Ministre a fait usage de cette habilitation d’une manière contraire au principe de légalité.

En effet, le Ministre adopte des mesures sanitaires dont il sanctionne pénalement le non-respect alors que les aspects essentiels à cet égard n’ont pas été préalablement fixés par le législateur. 

En l’espèce, le législateur n’a prévu aucun cadre déterminant quelles sont les mesures sanitaires qui peuvent être prises dans le cadre d’une épidémie et dont le non-respect peut être sanctionné pénalement.

Ainsi, plus particulièrement, il appartenait au législateur, et à lui seul, de définir dans quelle mesure des mesures sanitaires qui contreviennent frontalement aux libertés individuelles telles que les interdictions de rassemblements ou les interdictions de voir les membres de sa famille ou des amis, pouvaient intervenir et être sanctionnées pénalement.

De même, si l’on peut concevoir que dans le cadre d’une épidémie s’étalant sur plusieurs mois, des  déplacements doivent pouvoir être autorisés et d’autres interdits alors qu’ils présentent les mêmes risques sanitaires, et ce afin d’assurer le respect de droits fondamentaux ou le fonctionnement de l’économie, le  Ministre ne pouvait pas lui-même opérer des choix entre ces différents déplacements sans qu’un cadre déterminant les éléments et les critères essentiels ne soit fixé par le législateur. 

De manière générale, il revenait au législateur de définir les aspects essentiels des comportements qu’il comptait ériger en infraction, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. 

En érigeant les différents comportements précités en infraction, le Ministre méconnait les limites de l'habilitation qu’il pense pouvoir puiser dans les articles 181, 182 et 187 de la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile. Par ailleurs, il viole également les articles 12 et 14 de la Constitution qui réservent au législateur le soin de fixer les éléments essentiels concernant les poursuites et les peines.

Le législateur a ainsi privé une catégorie de personnes de l’intervention d’une assemblée démocratiquement élue de manière contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

En outre, la Cour constitutionnelle rappelle que le principe de légalité exige que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable.

Le législateur doit définir des infractions avec clarté et précision pour que le citoyen puisse connaître et comprendre ce que la loi pénale interdit « à la seule lecture de la loi ».

En l’espèce, la succession rapide d’arrêtés ministériels, modifiant les règles qu’ils contiennent à un rythme soutenu, n’offre pas une visibilité claire sur les mesures en vigueur, tant celles-ci varient dans un laps de temps réduit. L’arrêté ministériel du 28 mars 2020 a été modifié 14 fois en cinq mois. Dans ces conditions, il est déraisonnable de demander au citoyen d’être au courant de ces évolutions nombreuses, d’autant plus que la formulation des arrêtés ministériels, procédant par modifications successives d’un texte, sont rendus pratiquement illisibles pour des non-juristes. 

Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 (dans sa version consolidée) est contraire au principe de légalité.

L’article 159 de la Constitution dispose que : 

« Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois. »

L’application de l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 (dans sa version consolidée) doit donc être écartée sur base de l’article 159 de la Constitution. 

Les poursuites sont donc irrecevables car ces faits ne sont pas sanctionnés pénalement.

 

 

  1. On ne peut pas soumettre tout rassemblement à une autorisation préalable (Violation de la liberté d’expression et de manifestation).

L’action pour laquelle il est envisagé d’infliger une sanction relève de la liberté d’expression et de manifestation, valeurs fondamentales dans une société démocratique protégées notamment par la Constitution (art. 19 et 26) et la Convention européenne des droits de l’homme (art. 10 et 11). 

Selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’obligation de demander une autorisation préalable pour manifester ne peut pas devenir un obstacle qui viderait la liberté d’expression de sa substance. Les autorités publiques doivent faire preuve de tolérance vis-à-vis des manifestations pacifiques, même lorsqu’elles se déroulent sans autorisation formelle ou lorsqu’elles ne respectent pas les formalités prévues par la réglementation locale. La liberté de manifester vaut également pour les personnes qui organisent une contre-manifestation. Tant que les (contre-)manifestants n’ont pas d’intentions violentes, les autorités doivent tolérer leur expression et les perturbations mineures qu’engendre inévitablement toute réunion tenue sur la voie publique. 

Selon cette même Cour, infliger une sanction, même légère, à des manifestants pour avoir exprimé pacifiquement leur point de vue dans l’espace public revient à violer leur liberté d’expression et de réunion, même si la manifestation, ou la contre-manifestation, n’était pas formellement autorisée ou avait été annoncée après le délai réglementaire. 

D’après la jurisprudence de la CEDH, les États ont une obligation de tolérance quant aux rassemblements  organisés dans l’espace public : « une situation illégale, telle que l’organisation d’une manifestation sans autorisation préalable, ne justifie pas nécessairement une ingérence dans l’exercice par une personne de son  droit à la liberté d’expression (…) Si les règles régissant les réunions publiques, telles qu’un système de  notification préalable, sont essentielles pour le bon déroulement des manifestations publiques, étant donné  qu’elles permettent aux autorités de réduire au minimum les perturbations de la circulation et de prendre  d’autres mesures de sécurité, leur mise en œuvre ne doit pas devenir une fin en soi (…). En particulier, en  l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, il est important que les pouvoirs publics fassent  preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion garantie  par l’article 11 de la Convention ne soit pas vidée de sa substance (Oya Ataman, précité, § 42, Bukta et  autres, précité, § 37, Nurettin Aldemir et autres, précité, § 46, Achougian, précité, § 90, Éva Molnár, précité, § 36, Barraco, précité, § 43, Berladir et autres, précité, § 38, Fáber, précité, § 47, İzci c. Turquie, no 42606/05,  § 89, 23 juillet 2013, et Kasparov et autres, précité, § 91) ».

 

Concernant le droit de manifester et ses restrictions, il faut rappeler que la CEDH a déclaré que « une interdiction générale des manifestations ne peut se justifier que s’il existe un risque réel qu'elles aboutissent à des troubles qu'on ne peut empêcher par d'autres mesures moins rigoureuses ».

 

Compte tenu de tous ces éléments, il faut considérer que la proposition de transaction viole le principe de liberté d’expression et de manifestation pacifique, non seulement parce qu’elle n’est pas « nécessaire dans une société démocratique », mais aussi parce qu’elle tend à dissuader les citoyens d’exprimer pacifiquement leur opinion dans l’espace public. 

En outre, la proposition de transaction fondée sur l’interdiction de rassemblement est illégale parce que les libertés  d’expression et de manifestation (consacrées par des traités internationaux dont la Convention européenne des droits de l’Homme) ont une valeur  juridique supérieure à l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020, tel que modifié par l’AM du 26 mars 2021. 

Je vous demande également de supprimer mes données personnelles de vos fichiers, ainsi que des banques de données des autorités auxquelles vous les auriez transférées. En effet, il est inacceptable et illégal (notamment au regard de mon droit à la vie privée protégé par la loi du 8 décembre 1992 et l’article 8 de la CEDH) que je puisse être fiché pour un acte qui ne mérite aucune sanction parce qu’il relève de ma liberté d’expression.

 

Les principes de proportionnalité et de nécessité impliquent, tant en droit interne qu’au niveau européen, que ces restrictions soient adéquates aux objectifs poursuivis, “nécessaires dans une société démocratique” et non excessives. Pour ce faire, il est important que les pouvoirs publics exposent clairement les motifs de ces restrictions, établissent la pertinence et l’adéquation des mesures par rapport à l’objectif poursuivi, justifient la nécessité de ces mesures, “notamment par rapport à l’existence de voies moins attentatoires que celles envisagées et la prise en compte de l’ensemble des droits et libertés concernés par ces mesures”.

Afin de remplir la condition de nécessité, les restrictions doivent être justifiées par “un besoin social impérieux et par des motifs suffisants et pertinents”. La nécessité s’apprécie in concreto (état de la situation aux moments des faits).

La CEDH rappelle également que “la liberté de réunion pacifique, l’un des fondements d’une société démocratique, est assortie d’un certain nombre d’exceptions qui appellent une interprétation étroite et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de façon convaincante”.

Enfin, les sanctions prévues dans les mesures sont aussi à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence par rapport au but qu’elle poursuit.

 

L’application de ces principes “ suppose que les mesures adoptées soient limitées quant à leur portée et leur durée, et qu’en cas de choix entre plusieurs mesures efficaces, l'approche qui a le moindre impact négatif du point de vue des droits humains soit choisie”. En outre, “avoir l’objectif de protéger la vie n’autorise pas des mesures qui porteraient une atteinte disproportionnée aux autres droits fondamentaux”. En effet, il n’existe pas de hiérarchie entre les libertés fondamentales.

Concernant la motivation de ces restrictions, il convient de rappeler que l’article 2 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs impose aux autorités administratives de motiver tout acte administratif. La motivation exigée consiste en “l'indication, dans l'acte, des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision. Elle doit être adéquate”. Enfin, “l'urgence n'a pas pour effet de dispenser l'autorité administrative de la motivation formelle de ses actes”.

 

En l’espèce, dans un premier temps, si dans l’urgence et l’inconnu, ces restrictions étaient peut-être bien nécessaires, on peut regretter que, plus d’un an après et malgré les mesures prises, on soit toujours dans la même situation. Le temporaire devient permanent. Le critère de la protection de la santé publique ne peut justifier à lui seul les restrictions au droit de se rassembler et/ou de manifester. On le comprend, nous allons devoir cohabiter avec le Covid-19 encore quelques temps. Cette situation implique une adaptation proportionnée, une évaluation permanente et une réelle réflexion sur ces restrictions, et cela en toute transparence vis-à-vis des citoyens. On le rappelle, les restrictions sont l’exception, la règle étant la liberté. En outre, les conséquences de ces mesures commencent à se ressentir : au niveau économique, psychologique et social (explosion du chômage, dépressions, fermetures des écoles, augmentation de la violence intrafamiliale, etc.), mais aussi au niveau de nos droits fondamentaux. Concernant le droit de se rassembler et/ou manifester, les limitations sont telles qu’elles s’apparentent plus à une interdiction pure et simple. Elles sont, de plus, incohérentes : on peut, par exemple, se réunir à 15 dans une église, lieu clos, mais pas à plus de 4 dans un lieu extérieur.

 

Partant de ce constat, on peut déduire le caractère disproportionné des mesures et de ses sanctions pénales. En effet, le Gouvernement a choisi la voie la plus liberticide qui soit, et cela sans réelle limite de temps, les restrictions étant systématiquement prolongées. Le Tribunal de première instance de Bruxelles siégeant en référé (jugement du 31-3-2021) fait le même constat en déclarant que “lorsque tant de libertés fondamentales sont limitées depuis plus d’une année, il s’agit en l’espèce de constater que le maintien de telles restrictions sur la durée et, à ce stade, sans limite dans le temps (la prorogation systématique de la durée des mesures par voie d’arrêtés n’est que l’apparat d’une durée illimitée), constitue nécessairement une aggravation des inconvénients qu’elles engendrent pour les destinataires de ces libertés”.

En tout état de cause, un test de proportionnalité doit être effectué par le Parlement entre ces restrictions au droit de se rassembler et l’objectif poursuivi par le Gouvernement, à savoir la protection de la santé publique (l’objectif légitime n’est pas contesté). En effet, d’autres solutions pourraient être envisagées, comme l’obligation de se faire tester avant tout rassemblement, autoriser de plus grands rassemblements tout en respectant les distanciations sociales, autoriser les rassemblements extérieurs (les contaminations se faisant rarement à l’extérieur: voyez par exemple  https://www.lesoir.be/364945/article/2021-04-06/une-contamination-sur-1000-lieu-en-exterieur-selon-une-etude ), etc. En outre, “ la publication de la motivation écrite de la proportionnalité des mesures devrait être obligatoire”. En effet, la transparence est fondamentale, ne serait-ce que pour l’adhésion de la population aux mesures.

Enfin, l’interdiction de se rassembler peut aussi porter atteinte à la liberté de culte. Selon le Conseil d’Etat « la liberté religieuse est un droit fondamental qui occupe une place prépondérante dans la Constitution. Toute limitation à l’exercice individuel mais aussi collectif du culte ne doit pas seulement correspondre à un besoin social impérieux, tel que la lutte contre l’épidémie de coronavirus Covid-19, mais elle doit aussi être proportionnée à l’objectif poursuivi (article 19 de la Constitution, combiné avec l’article 9 de la C.E.D.H. et l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Prima facie, l’interdiction de tout exercice collectif du culte (sous réserve de quelques exceptions pour la célébration de mariages, d’enterrements ou de cérémonies enregistrées) porte une atteinte disproportionnée à la liberté religieuse ».

Pour conclure, selon différents organismes de protection des droits humains, “nous ne comprendrions pas – et nous n’accepterons pas – que le prochain Conseil de sécurité n’autorise pas (...) la tenue de rassemblements publics pacifiques alors qu’il est autorisé depuis des semaines maintenant d’affluer dans les rues commerçantes. Nous vous rappelons le droit constitutionnel à l’action collective (y compris le droit de manifester dans l’espace public) et la liberté d’association et de réunion publique. Il s’agit de principes fondamentaux qui ne peuvent être restreints qu’exceptionnellement et temporairement. Hormis les précautions générales qui sont exigées de tous les citoyens (distance physique, hygiène, masques…), les restrictions à ces droits fondamentaux ne sont plus acceptables. Il y a une urgence démocratique, sociale et culturelle”.

  1. Visite domiciliaire : violation du principe d’inviolabilité du domicile

Le principe de l’inviolabilité du domicile est contenu dans l’article 15 de la Constitution qui prévoit : 

« Le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit ».

En matière pénale, les exceptions à ce principe sont limitativement énumérées dans le Code d’instruction criminelle ainsi que dans la loi du 7 juillet 1969 (loi fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions, visites domiciliaires ou arrestations).

Dans le cadre des mesures Covid, la circulaire COL06/2020 spécifie que, sauf la compétence du juge d’instruction, on ne peut pénétrer dans un lieu privé qu’en cas de constat d’une infraction en flagrant délit ou moyennant le consentement écrit et préalable de la personne qui a la jouissance effective des lieux.

La circulaire précise : « dans le cadre de la recherche et de la constatation des infractions à l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020, les dispositions du Code d’instruction criminelle et de la loi du 7 juin 1969 permettant de pénétrer dans un lieu privé en cas de flagrant délit, ne peuvent être appliquées sans accord explicite et préalable du Procureur du Roi. En effet, le recours en l’espèce à cette prérogative ne rencontrera pas les exigences de proportionnalité auxquelles une ingérence dans la vie privée doit répondre, raison pour laquelle une appréciation par le magistrat du parquet s’impose. Ce dernier appréciera, entre autres, s’il existe des indices sérieux qu’une infraction à l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 est en train de se commettre. »

Elle conclut en indiquant que « des constatations des infractions à l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 qui ne sont pas conformes à ce qui précède, ne peuvent pas donner lieu à une proposition de transaction pénale (immédiate) ou à des poursuites. Les procès-verbaux éventuellement établis seront classés sans suite. »

 

En ce qui me concerne, la visite domiciliaire qui a eu lieu est illégale : en effet, les policiers ont pénétré dans le domicile sans qu’aucune personne ayant la jouissance des lieux n’ait donné son autorisation écrite préalable.

Ensuite, le constat d’un flagrant délit doit préexister à l’entrée dans un domicile, le flagrant délit ne pourrait être constaté a posteriori, une fois les policiers entrés dans le domicile. 

Il n’y a pas non plus de flagrant délit si les policiers se fondent uniquement sur des indices ou des présomptions pour penser qu’un délit pourrait avoir été commis.

En ce qui me concerne, le procès-verbal ne donne aucun élément permettant de constater l’état de flagrant délit avant de pénétrer de force dans le domicile.  

Enfin, quand-bien-même on devrait considérer le fragrant délit établi (ce qui est contesté) le procès-verbal ne mentionne pas l’accord préalable d’un magistrat /ou/ les policiers n’ont pas contacté de magistrat pour obtenir un accord préalable à leur entrée.

Pour toutes ces raisons, la visite domiciliaire qui a eu lieu est illégale et viole, outre les normes législatives et de politique criminelle d’application, le principe de l’inviolabilité du domicile prévu à l’article 15 de la Constitution. 

 

 

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