LA THEORIE DE L'AUTODETERMINATION ET LE BIEN-ÊTRE PSYCHOLOGIQUE
La période actuelle de pandémie due au #COVID19 a remis en question beaucoup de piliers sur lesquels la société occidentale s’est construite.
La valeur de l’économie, tellement centrale habituellement dans les discours et débats politiques, a pris une toute autre dimension par rapport à la valeur de la santé, ou celle de l’humain.
Nos dirigeants sont face à des choix difficiles et essaient de maintenir le bateau à flots : mais jusqu’où peuvent-ils décider pour nous dans un contexte totalement inédit?
Quelles mesures sont acceptables, quelles mesures sont indispensables ?
Que privilégier ?
Nos droits ont été si durement acquis par nos prédécesseurs, peut-on y renoncer pour notre sécurité ?
Ces questions, nous ne pouvons pas nous les poser sans prendre en compte la dimension psychologique de l’être humain, nous ne pouvons pas penser les réponses à cette pandémie sans se poser les questions suivantes :
Qu’est-ce qui détermine notre bien-être psychologique ?
De quoi a-t-on besoin pour s’épanouir ?
Dans les recherches étudiant la psychologie de la personnalité, l’approche la plus courante qui tente de déterminer comment arriver au bien-être psychologique est une approche qui se centre sur les sentiments de plaisir et de bonheur.
Les théories psychologiques qui s’inspirent de la philosophie hédoniste soutiennent que le bien-être vient du fait d’atteindre ses buts : une personne sera « subjectivement bien » si elle parvient à atteindre ses buts.
Il existe un courant alternatif qui examine le bonheur comme quelque chose de beaucoup plus complexe. Ryff et Singer[1], s’inspirant du courant humaniste, ont défini le bien-être comme dépassant le concept de bonheur et comprenant six dimensions principales :
- Un certain contrôle de son milieu
- Des relations sociales positives
- L’autodétermination et l’autonomie
- La croissance personnelle
- L’acceptation de soi
- Savoir donner un sens à sa vie
Qu’en est-il ? Qu’est-ce qui détermine le véritable bien-être d’un individu ? Le bien-être d’une personne vient-il du fait qu’elle atteigne ses objectifs et arrive à trouver les états recherchés de satisfaction, les sentiments agréables, qu’elle obtienne ce qu’elle désire ? Est-ce que nos motivations et nos leviers sont basés là-dessus ? Ou alors, est-ce que le bien-être est déterminé par des facteurs culturels, environnementaux, par d’autres états que ceux de plaisir et de satisfaction personnelle ? |
C’est la question à laquelle la théorie de l’autodétermination va tenter de répondre.
Selon celle-ci[2], le bien-être est atteint avec la réalisation de soi et certains processus indispensables à cette réalisation.
Nous aurions des besoins psychologiques fondamentaux qui doivent être nourris afin de permettre à chacun d’avoir de la vitalité, une congruence interne et l’intégration psychologique.
Ces besoins sont nourris par nous-mêmes ainsi que par l’environnement et les autres : les dimensions sociales et environnementales sont cruciales pour le bon développement d’un individu.
La théorie de l’autodétermination met en avant trois besoins psychologiques fondamentaux :
- Le besoin d’autodétermination et d’autonomie
L’action autonome est définie comme une action vraiment décidée totalement et entièrement par la personne, en accord avec ses valeurs et perçue comme venant de soi.
- Le besoin de compétence
La compétence est définie comme étant l’efficacité sur son environnement et le sentiment de la prise en charge personnelle de l’action à réaliser.
- Le besoin de relation à autrui
Ce besoin est défini par un sentiment d’appartenance et d’importance auprès de gens qui comptent pour soi.
Ces trois besoins doivent évoluer en accord avec LES VALEURS que la personne a établies elle-même, et qui découlent directement du contexte de vie, de sa culture et de son éducation.
En regard de ces informations, il semblerait que la motivation d’une personne n’est pas basée uniquement sur le fait d’atteindre ses objectifs, mais également sur le fait de nourrir son autonomie, sa compétence et ses relations aux autres.
Si un de ces trois besoins est compromis, le sentiment de bien-être subjectif diminue.
Comment lier nos buts personnels, nos besoins fondamentaux et notre bien-être subjectif ? |
Si on suit la théorie de l’autodétermination, on peut déterminer deux types de buts personnels :
- Ceux qui sont le fruit d’une motivation extrinsèque
- Ceux qui sont le fruit d’une motivation intrinsèque
Les premiers sont motivés par une récompense externe, telle que de l’argent, la reconnaissance d’une certaine personne en particulier, l’obtention d’un bien. Les seconds se suffisent à eux-mêmes et sont assez intéressants pour être poursuivis sans récompense particulière à la clé.
Chaque individu poursuit des buts de chaque type, mais les seconds seraient ceux qui permettent un meilleur apprentissage et un bien-être plus grand car ils sont directement liés à nos valeurs et notre vision de nous-mêmes : qui est-ce que je veux devenir ? Qu’est-ce qui m’intéresse de faire pour grandir ? Quelles compétences j’aimerais acquérir ?
Un bon exercice à faire est de lister ses buts et de se poser les questions suivantes :
Pourquoi est-ce que je poursuis cet objectif ?
Comment est-ce que je le poursuis ?
Vais-je être une moins bonne personne à mes propres yeux si je n’y arrive pas ?
Que vais-je obtenir en y arrivant ?
Beaucoup de nos actions ont un objectif qui est motivé par une récompense extérieure, et c’est normal. Néanmoins, pour lier nos buts personnels avec nos besoins fondamentaux et augmenter notre bien-être, il est important de comprendre la valeur de ceux-ci et de l’accepter, ainsi que d’en poursuivre qui ne sont motivés qu’intrinsèquement.
Par exemple, un pianiste dans l'âme pourrait suivre une formation en informatique afin de gagner de l'argent via ce métier, et réussir cet objectif serait important pour lui, cela augmenterait un peu son sentiment de bien-être subjectif. Néanmoins, ce serait plutôt le fait de pouvoir donner un récital salle pleine et d'être reconnu dans sa musique qui lui permettrait de nourrir les besoins de compétence, de lien à autrui et d'autodétermination.
Durant cette période de pandémie, il est important de penser à nos besoins fondamentaux et de se demander jusqu’où ils sont respectés dans les actions menées pour le bien de la sécurité de tous :
Suis-je toujours autonome ?
Puis-je toujours exercer mes compétences en toute liberté ?
Puis- je me sentir comme appartenant à un groupe de personnes importantes pour moi ?
La pandémie actuelle que nous traversons montre l’importance d’avoir conscience de nos libertés, et de veiller à ce qu’elles soient respectées.
[1] The contours of Positive Human Health, Carol D. Ryff, Burton Singer, Psychological Inquiry, Vol. 9, No. 1 (1998), pp. 1-28, Taylor & Francis, Ltd.
[2] Buts Personnels, Besoins Psychologiques fondamentaux et Bien-Être : Théorie de l’Auto-Détermination et Applications, Jennifer G. Laguardia, Richard M. Ryan, Revue Quebecoise de Psychologie, Vol. 21, No. 2 (2000), pp. 281-304.