QUELLES ACTIONS INDIVIDUELLES UN TRAVAILLEUR PEUT-IL ENTREPRENDRE EN CAS DE RISQUES PSYCHOSOCIAUX DANS L'ENTREPRISE?
Que vous soyez victime d’un burn-out ou de faits de harcèlement au travail, des actions internes sont prévues par la loi en vue de vous aider à dénoncer ces faits et à sortir de cette situation.
Sur le plan légal, l’employeur est tenu de prévenir tout risque psychosocial au sein de son entreprise.
L’employeur (ainsi que la ligne hiérarchique) reste la première personne à qui un travailleur doit pouvoir s’adresser s’il estime être l’objet d’un risque psychosocial. Le rôle de l’employeur dans la recherche de solutions est d’une importance capitale et doit permettre d’utiliser les procédures formelles ou informelles, lorsque le recours à celles-ci n’est pas utile. [1]
En cas d’échec dans la prise de contact avec l’employeur, le travailleur peut avoir recours aux procédures internes informelles et formelles. LA terminologie utilisée est neutre afin de favoriser la poursuite de la relation de travail et de ne pas cristalliser les difficultés relationnelles[2].
L’employeur est tenu d’inscrire les deux procédures dans le règlement du travail de l’entreprise, de même que les personnes à contacter dans le cadre de ces procédures.
Ces deux procédures sont les suivantes :
- La demande d’intervention psychosociale informelle
- La demande d’intervention psychosociale formelle
Elles sont réglementées par le code du bien-être au travail et se déroulent comme suit :
- D’abord, le travailleur qui estime être victime d’un risque psychosocial consulte la personne de confiance ou le conseiller en prévention aspects psychosociaux en vue d’initier une procédure.
- Dix jours après, au plus tard, le travailleur doit être entendu par la personne consultée et être informé des possibilités d’introduire soit une demande d’intervention psychosociale informelle, soit une demande d’intervention psychosociale formelle.
Attention : le législateur n’a prévu aucune sanction en cas de non-respect de ce délai. Le conseiller en prévention aspects psychosociaux doit remettre au travailleur un document écrit attestant de cet entretien obligatoire.
- Le travailleur se retrouve face à 3 choix: introduire une procédure d’intervention formelle, introduire une procédure d’intervention informelle, ou ne rien faire si l’entretien a réglé son problème.
Comment se passent ces procédures ?
- LA DEMANDE D’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE INFORMELLE
Dans le cas où le travailleur a fait le choix d’introduire une demande d’intervention psychosociale informelle auprès de la personne de confiance ou du conseiller en prévention aspects psychosociaux, ils cherchent à trouver ensemble une solution à la problématique du travailleur.
Comment ?
Au moyen d’entretiens comprenant l’accueil, l’écoute active et le conseil ;
Au moyen d’une intervention auprès d’une autre personne de l’entreprise, notamment auprès d’un membre de la ligne hiérarchique ;
Au moyen d’une conciliation entre les personnes impliquées moyennant leur accord.
Il est important de préciser que, durant cette phase informelle [3] :
- La personne de confiance ou le conseiller aspects psychosociaux peuvent communiquer aux personnes qui participent à l’intervention informelle les informations qui sont pertinentes pour le bon déroulement de cette intervention.
- Les parties n’ont pas accès aux notes prises par le conseiller en prévention ou la personne de confiance pendant l’intervention.
- Personne de. Confiance ou le conseiller en prévention aspects psychosociaux n’ont pas pour tâche de faire un rapport à l’employeur et n’ont donc pas non plus pour tâche d’entendre des témoins ou de questionner des personnes qui font partie du service du demandeur.
Si la procédure se termine positivement, il y sera mis fin.
Sinon, le travailleur peut introduire une procédure dite formelle.
- LA DEMANDE D’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE FORMELLE
Il est important de préciser que cette procédure peut être directement initiée par le travailleur. Il n’est pas obligatoire de passer par la procédure informelle.
1) le travailleur communique au conseiller en prévention aspects psychosociaux, un document décrivant la situation de souffrance qu’il vit et les mesures qu’il estime appropriées au règlement de cette situation.
Le document doit être daté, signé, remis personnellement ou envoyé par la poste via un courrier simple ou recommandé.
- Précision utile : lorsque la demande est remise personnellement ou par courrier simple, le conseiller en prévention remet au travailleur le formulaire signé, ce qui aura valeur d’accusé de réception. Dans le cas d’un envoi recommandé, la demande est réputée avoir été reçue le troisième jour ouvrable suivant la date de son expédition.
2) Ensuite, le conseiller en prévention aspects psychosociaux décide s’il accepte ou non l’introduction de la demande du travailleur.
Refus : dans le cas où la situation ne concerne manifestement pas des risques psychosociaux liés au travail. C’est important que la demande soit formulée correctement. Cette étape permet d’éviter les procédures abusives des travailleurs. N’hésitez pas à vous faire aider pour la rédaction !
La décision de l’acceptation ou du refus du conseiller en prévention est communiquée au travailleur au plus tard 10 jours calendriers après réception de la demande. Si aucune décision n’est communiquée endéans ce délai, la demande est réputée acceptée après son expiration.
3) Sur base des informations mentionnées dans la demande écrite et recueillies lors d’un entretien préalable obligatoire, le conseiller en prévention va examiner si la situation décrite a principalement trait à des risques qui ont un caractère collectif ou individuel. Ceci aura une incidence directe sur la manière de traiter la demande. Le conseiller doit transmettre sa décision au travailleur, mais il n’est tenu à aucun délai.
(dans cet article, nous ne parlerons pas de la demande qui aurait un caractère collectif et qui découlerait donc plutôt d’un problème organisationnel et non pas individuel)
Si la demande a un caractère individuel, c’est-à-dire que la problématique ne concerne que le demandeur ou le demandeur et très peu d’autres travailleurs.
4) Lorsque cette décision du caractère individuel est prise, il informe l’employeur par écrit de la demande et de l’identité du travailleur. Il examine la demande d’une manière impartiale, en recueillant les déclarations qu’il juge utile.
5) La cinquième étape se passe dans un délai de trois mois à dater de l’acceptation de la demande[4], le conseiller remet un avis à l’employeur pour l’informer de la situation et des mesures les plus adéquates à prendre. L’employeur n’a aucune obligation de les suivre.
Dans l’attente de son avis, le conseiller peut prendre des mesures conservatoires.
6) Enfin, dans un délai d’un mois après la réception de l’avis du conseiller en prévention aspects psychosociaux : l’employeur informe par écrit le travailleur des mesures individuelles qu’il envisage de prendre.
Dans un délai de deux mois après la réception de l’avis du conseiller, l’employeur communique par écrit , au travailleur ainsi qu’au conseiller, sa décision motivée quant aux suites qu’il donne effectivement à la demande.
Si les mesures solutionnent la problématique du travailleur, la procédure se termine.
Dans le cas contraire, le travailleur peut introduire une plainte auprès de l’Inspection du bien-être au travail ou éventuellement introduire une action en justice auprès du Tribunal du Travail en vue de contraindre l’employeur à prendre des mesures ou obtenir la résolution du contrat de travail aux torts de l’employeur avec une indemnisation pour le travailleur.
Durant toute la procédure, le conseiller en prévention tient un dossier individuel du travailleur comprenant une série de documents énumérés à l’article 1.3-31 du Code du bien-être au travail.
- PARTICULARITES EN CAS DE FAITS D’HARCELEMENT MORAL OU SEXUEL AU TRAVAIL
On parle ici d’une demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travail.
Il y a certaines particularités à cette procédure formelle, qui sont repris à la section 5 du Code du Bien-être au travail :
- Le document de demande du travailleur doit comprendre la description précise des faits constitutifs, selon le travailleur, de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail ; le moment et l’endroit où chacun des faits se sont déroulés ; l’identité de la personne mise en cause ; la demande à l’employeur de. Prendre des mesures appropriées pour mettre fin aux faits.
- A la suite de la demande, le conseiller en prévention décide de l’accepter ou non. Le refus fait suite au fait que la situation ne contienne manifestement pas de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail.
- Si la demande est acceptée, le conseiller informe l’employeur par écrit de l’introduction de la plainte ; du caractère individuel de la demande ; de l’identité du demandeur ; du fait que le demandeur bénéficie de la protection contre le licenciement.
- Dans le cadre de l’examen de la demande, le conseiller communique à la personne mise en cause les faits qui lui sont reprochés dans les plus brefs délais et entend le témoins qu’il juge utiles. L’identité des témoins est portée à la connaissance de l’employeur. Ce dernier est informé que les témoins bénéficient aussi d’une protection contre le licenciement. La personne mise en cause et. Les témoins reçoivent une copie de. Leurs déclarations.
- Le centre interfédéral pour l’égalité des chances et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes peuvent solliciter auprès du conseiller une copie de son avis. Il est obligatoire que le travailleur marque son accord par écrit pour cette communication.
- Le dossier individuel doit comprendre des documents et informations supplémentaires énumérés à l’article 1.3-41 du Code du bien-être au travail.
Ces procédures peuvent paraître longues et complexes, surtout pour un travailleur déjà épuisé par les faits. N’hésitez pas à vous faire accompagner par des professionnels : un thérapeute, un avocat, un sophrologue, entourez-vous durant vos démarches.
Il est important aussi de préciser que sous certaines conditions, le travailleur pourra bénéficier d’une protection contre le licenciement. La crainte de représailles ne doit donc pas empêcher le travailleur de dénoncer la situation dont il est victime.
[1] S. BILLY, P. BRASSEUR, J-P CORDIER, « LA prévention des risques psychosociaux au travail depuis la réforme de 2014 : aspects juridiques et pratiques », Kluwer, 2016, p. 141.
[2] P. BRASSEUR, « Les risques psychosociaux au travail, quinze ans d’évolution », SK 2017, nr. 2, 41-42
[3] http://www.emploi.belgique.be/defaultTab.aspx?id=45973
[4] Prorogeable une fois d’un délai de trois mois