LA LOI QUI ENTENDAIT LUTTER CONTRE LE SEXISME
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l'espace public, les formes de harcèlement sexuel et de harcèlement sexuel de rue commis dans des lieux publics sont punissables.
Selon cette loi, toute personne ayant un comportement ou un geste, en public ou en présence de témoins, visant à considérer une personne comme inférieure ou à la mépriser en raison de son sexe ou encore de la réduire à sa dimension sexuelle, est susceptible d’être poursuivi et condamné pénalement.
Dans un article publié ici, nous abordons plus longuement les contours de cette loi. Nous y mentionnons notamment les éléments constitutifs de cette infraction, à savoir :
- Les éléments matériels : un geste ou un comportement; l’expression du sexisme ; une atteinte portée à la dignité d’une personne déterminée ; la gravité de l’atteinte ; la publicité au sens de l’article 444 du Code pénal.
- L’élément moral : la faute intentionnelle
Six années après l’entrée en vigueur de cette loi, nous avons voulu faire une analyse de l’application de cette loi par les juridictions belges.
Le résultat ?
Aucune jurisprudence[1].
Selon un article de doctrine publié récemment, seule une condamnation aurait été prononcée dans le cadre de cette loi. « En l'espèce, un homme avait insulté une policière, lui enjoignant de trouver un travail plus adapté à une femme et de se taire, refusant de lui parler et la traitant de « sale pute »[2].
Suite aux questions posées par la députée Sophie De Wit le 08 janvier 2020 au Vice-premier ministre et ministre de la Justice, chargé de la Régie des bâtiments, et ministre des Affaires européennes, de savoir combien de plaintes avaient été déposées sur la base de cette loi depuis son entrée en vigueur ; combien de condamnations ont été effectivement prononcées chaque année depuis l'entrée en vigueur de la loi et quelles peines spécifiques ont-elles été prononcées, il a été répondu ce qui suit[3] :
- En 2015, 19 plaintes ont été déposées ;
- En 2016, 45 plaintes ont été déposées ;
- En 2017, 46 plaintes ont été déposées ;
- En 2018, 55 plaintes ont été déposées ;
- Au premier trimestre 2019, 15 plaintes ont été déposées.
Il n’a pas pu être répondu aux questions de savoir combien de condamnations et quelles peines avaient été prononcées sur la base de loi de 2014.
« Aujourd’hui encore, le sexisme reste mal connu, trop souvent réduit à un comportement individuel, une relation stricte entre un auteur et une victime ou à certaines manifestations comme le harcèlement de rue (en invisibilisant une série d’autres violences). Pourtant, le sexisme est un système de domination »[4].
Outre le sexisme en lui même qui reste mal connu, c’est la loi toute entière qui l’est certainement pour les victimes.
A cela s’ajoute la difficulté pour les victimes d’entamer les démarches de plainte et d’action judiciaire en raison d’une part, des complications qu’elles peuvent rencontrer lors de leur plainte au commissariat (refuse de prise en charge, personnel non formé à ce type de plaintes, …) et d’autre part, de la charge de la preuve.
En effet, il appartient à la victime d’apporter la preuve des faits dont elle a été victime. Or, cela peut s’avérer difficile voire impossible dans les situations telles que les agressions verbales en rue.
Chez Accord Majeur, on continue de parler de cette loi et de renseigner nos clients à ce sujet. N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus ou consulter notre article ici:https://www.severine-evrard.be/fr/-metoo-balancetonporc---le-cadre-legal-en-belgique#_ftn7
[1] A tout le moins publiée.
[2] Chloé Leroy, Loi « sexisme » in Partie II. Instruments commentés • Droit pénal et pénitentiaire, Code droits des femmes, Larcier, 2020, pp. 350 – 352.
[3] La Chambre des Représentants - Question et réponse écrite n° 55-206 : La loi contre le sexisme, 21/05/2020, www.lachambre.be
[4] Code du droit des femmes, Larcier, p. 13